Aventure pédagogique au cœur du Paris médiéval

Plan du Paris médiéval, dit plan de Bâle (v. 1550). Source : https://commons.wikimedia.org
Plan du Paris médiéval, dit plan de Bâle (v. 1550). Source : https://commons.wikimedia.org

 

 

Octobre-décembre 2015. Trois étudiantes de L3 décident de s'éloigner des sentiers cent fois battus, souvent contraints, qui mènent aux tâches universitaires. Lasses de n’être qu’étudiantes, elles veulent être conteuses : elles narreront donc le Paris médiéval à un groupe de collégiens de la classe relais* de Nanterre, et leur feront aimer l’histoire (pensent-elles). Elles flairent l’embûche, mais choisissent de s’en repaître : qu’est-ce que l’embûche, si ce n’est l’aventure qui ne dit pas son nom ? Elles vous racontent, à présent, le caractère des événements et leur tournure...

 

Il fallait s’y attendre : les semaines défilent. Le temps s’écoule toujours un peu vite quand il se passe à questionner la difficulté. La leçon d’histoire s’envisage, se projette ; une fois le projet conçu, les lectures entreprises, les faits rassemblés, elle peut se préparer. Les premières interrogations surgissent et travaillent les esprits : que conter aux élèves ? que choisir de leur transmettre ? que laisser de côté ?

 

Deux séances, d’une heure chacune ; c’est le peu que nous avons pour enseigner quelque chose du Paris médiéval à des collégiens. Il nous faut faire des choix : essentialiser l’histoire sans la travestir, c’est ce dont il s’agit. A force d'hésitations, de discussions et de conseils, la leçon finit par s'élaborer.

 

 

Le jour du premier atelier avec les collégiens arrive. La leçon commence, mais laborieusement : on cherche l’attention, le regard passionné, l’intérêt immédiat et spontané de la part des élèves ; on s’étonne de n’en rien trouver. Puis on se ressaisit : le public ne rompra pas le silence de ses applaudissements à la fin du monologue ; la performance ne peut être magistrale, ces élèves-là ne le souffriraient pas. Au contraire, nous devons les inviter à partager la scène.

 

Nous prenons le parti de faire naître l’histoire et la conscience historique de l’interrogation : interrogation sur eux-mêmes, sur le monde qui leur est familier et sur le passé, méconnu et insolite ; sur le dialogue qui ne cesse d’aller et venir entre ces temporalités. Nous les encourageons à nous transmettre les connaissances qui sont les leurs. Nous faisons le choix de rendre nos élèves acteurs de l’histoire que nous évoquons. Acteurs de la réflexion dans un premier temps, se posant des questions sur ce qu’ils observent, ce qu’ils entendent, tentant d’apporter des réponses. Tout à fait acteurs, dans un second temps, car nous décidons de mettre l’histoire en scène, et de leur faire jouer la cérémonie du toucher des écrouelles par le roi de France : un narrateur, un évêque, un roi de France, des scrofuleux, une salle de classe qui tient momentanément lieu du parvis de la cathédrale de Reims... Les élèves se prennent au jeu, l’histoire est contée. On espère qu’elle sera mémorable.

 

 

La seconde séance est plus compliquée à construire ; le temps manque à sa préparation. Nous nous attachons cette fois-ci à une activité centrale : la réalisation d'une carte de Paris de 4m2 par les élèves. Ils complètent et enrichissent un plan sommaire de l'île de la Cité et des deux rives. Une représentation cartographique du XVIe siècle (ci-dessus), quelques descriptions hugoliennes et nos encouragements les accompagnent dans cette entreprise de reconstitution.

 

Les lieux importants de la ville médiévale (les artères que sont les rues Saint-Martin et Saint-Denis, les Innocents, Notre-Dame, la palais de la Cité) sont identifiés, localisés. Leurs vestiges, leur héritage ou leur souvenir se concrétisent également sous leurs yeux : voyez cette photographie de la Sainte-Chapelle ! elle se dresse encore, au cœur de la Cité.

 

 

Que dire de la réaction des élèves ? Certains participèrent avec entrain ; d’autres non. Il faut reconnaître que nous n’avons jamais réussi à les captiver tous, à impliquer chacun d’eux comme son voisin, au nom du groupe. Nous avons saisi quelque chose de la curiosité et du dynamisme de tel élève, à tel moment, pour un court instant. La réussite est bien là, quoique partielle, modeste et isolée. Nous nous en contentons. Nous sommes heureuses d’avoir mené un tel projet intellectuel et pédagogique, au cours duquel nous avons davantage appris qu’enseigné. Sa réussite fut toutefois conditionnée par la rapidité des échéances ; une telle entreprise mériterait d’être menée sur un plus long terme, et réactivée à l’avenir.

                                              

 

Fiona, Delphine et Sarah

 

 

 

 

 

*La classe relais est un dispositif d’accueil temporaire de collégiens en risque de marginalisation scolaire. Un meilleur encadrement individuel et l’organisation des cours sous forme de classe-atelier favorisent la réadaptation des élèves à l’école. Une présentation complète du dispositif est disponible sur le site du Ministère de l’Education nationale.

 

Et si vous souhaitez découvrir, comme nos collégiens, le Paris médiéval, nous vous conseillons la lecture du récent ouvrage de Claude Gauvard et Boris Bove.

 

 

Le Paris du Moyen Âge

Editions Belin, 2014

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